2001 - Etude des problèmes posés par la conception du classement de Saint-Emilion


Note

 

A Nadine Couraud

Cc : Gérard Bécot

De Pierre Carle

Le 9 mai 2001

 

Objet : règlement du classement des grands crus de Saint-Emilion

 

 

Constat : situation actuelle

 

1.        Le consommateur est oublié. Il n’est jamais cité et pourtant c’est pour lui que le classement est établi.

 

2.        Des vins anciens servent de référence pour décider la mention qui figurera sur l’étiquette (grand cru classé) des millésimes futurs, n’ayant donc rien à voir avec les vins dégustés. De plus il s’écoule quatre ans entre le dernier millésime dégusté et l’officialisation du classement. Par exemple le dernier millésime dégusté lors du dernier classement était le 1992 et le classement a été modifié en septembre 1996 ! Ce décalage dans le temps est trop long.

 

3.        Les échantillons pour la dégustation par la commission de classement ne sont pas prélevés par l’INAO.

 

4.        Il n’existe pas de procédure de dégustation

 

5.        Il n’existe pas de fiche de dégustation à remplir et signer par chaque dégustateur

 

6.        Pour chaque classement soixante à soixante-dix châteaux sont présentés sur dix millésimes ce qui signifie que les neuf dégustateurs doivent, en dehors de leurs activités professionnelles, trouver le temps de déguster 600 à 700 vins. C’est trop.

 

7.        L’admission en commission d’appel n’obéit à aucune règle définie (fin de l’article 5) et la décision d’admission à un nouvel examen peut être rejetée sans donner de raison

 

8.        L’article 6 du règlement prévoit que « la commission établit son jugement à partir de tous les facteurs qui peuvent être pris en compte pour justifier ou infirmer les classement etc. ». Or cette disposition a été parfois refusée.

 

9.        Il y a conflit entre les conclusions des examens d’agrément et celles des examens de classement. Ceci est d’autant plus flagrant que les crus classés sont dégustés ensemble pendant les agréments. En effet il n’est pas concevable que des vins qui ont subi les épreuves d’agrément en AOC Saint-Emilion Grand Cru lors de dégustations où les crus classés sont regroupés, soient jugés plus tard comme n’étant plus d’un niveau suffisant. Quelqu’un s’est trompé ou une procédure est mauvaise.

 

10.     Les millésimes dégustés actuellement ne sont pas à égalité de traitement ; l’un a quatorze ans d’âge, l’autre quatre ans d’âge seulement, etc.

 

 

Conclusion sur la situation actuelle

 

Le règlement actuel n’est pas bon, il est flou et n’est même pas respecté.

Le classement des châteaux était à l’origine une cotation entre négociants. Il est devenu un repère pour le consommateur. Or il reste très difficile de trouver un consommateur qui sache comment est établi le classement de Saint-Emilion. Par conséquent il convient de remettre le consommateur comme étant l’objectif de notre communication. Communication qui doit être rapide et reposer sur des critères précis.

 

 

 

Proposition d’éléments pour conduire la réflexion visant à rédiger un nouveau règlement

 

1.        Il existe à l’intérieur de l’aire d’appellation de Saint-Emilion un certain nombre de terroirs de qualité exceptionnelle. La plupart ont été reconnus. C’est un fait historique.

 

2.        Les vins qui sont produits sur ces terroirs, non seulement doivent satisfaire aux exigences des règles de l’AOC Saint-Emilion Grand Cru, mais en plus doivent viser une qualité supérieure par différentes mesures de culture et d’élevage. Bref les vins doivent être excellents.

 

3.        L’image physique est importante aussi. Les propriétés doivent présenter une certaine unité regroupant le vignoble, les chais et une habitation ayant un cachet certain, à défaut d’un réel château.

 

4.        La tenue des vignes doit être irréprochable.

 

5.        La tenue des chais et du matériel de vinification et d’élevage doit être irréprochable.

 

6.        Les vins ne doivent pas être bradés et doivent atteindre des niveaux de prix justifiés par leur qualité et aussi par leur renon qui ne peut être négligé pour la réputation de Saint-Emilion dans son ensemble.

 

7.        Le classement est établi à partir de la liste actuelle des crus classés.

 

8.        La situation des crus classés ayant des problèmes et celle des crus non classés candidats ne sont liées en rien et ne peuvent techniquement et administrativement être traitées en même temps par la même commission. Il faut séparer l’étude des deux problèmes qui sont bien différents et qu’il n’y aucune raison de traiter aux mêmes moments, ni avec les mêmes intervalles.

 

9.        Le classement d’un cru est maintenu chaque année dès lors qu’il a passé avec succès ses dégustations d’aptitude au vieillissement et d’agrément. Les séances de dégustation doivent regrouper les crus classés et être relativement sévères.

 

10.     Tout cru présentant une faiblesse légère et passagère pourra être agréé et un avertissement argumenté sera adressé au propriétaire. La répétition de trois faiblesses de ce type et non corrigées sur une période de cinq (ou dix) ans entraîne le déclassement du cru sans autre formalité.

 

11.     Une faiblesse importante d’un millésime entraîne le déclassement de la récolte concernée, sans déclassement de la propriété (cru). Ceci ne peut se reproduire plus de trois fois sur une période dix ans sans entraîner un déclassement de la propriété.

 

12.     Tous les ans une commission nommée par le syndicat et sous le contrôle de l’INAO étudie les quelques candidatures de reclassement après une période de déclassement de cinq ans. Cette commission pourrait faire ainsi un travail d’enquête sérieux en se concentrant sur une ou deux propriétés seulement.

 

13.     Tous les dix ans une commission (distincte de la précédente) étudierait en sus les nouvelles candidatures avec examen détaillé des points suivants : terroir, vignoble, chais, propriété, commercialisation, dégustation des dix derniers millésimes. Une procédure précise doit être établie à cet effet.

 

 

Conclusion

 

Les propositions ci-dessus doivent être travaillées de manière plus approfondie en gardant à l’esprit qu’elles veulent mettre en avant les points essentiels suivants :

·         Les mentions de classement figurant sur l’étiquette correspondent bien au vin qui est dans la bouteille (et pas à d’autres millésimes plus anciens de quatre à quatorze ans, comme actuellement)

·         Le système se veut pédagogique et doit prévenir les défaillances prolongées d’un cru en l’avertissant immédiatement d’une faiblesse ou d’un défaut sans attendre de laisser pourrir une situation

·         La  contradiction actuelle entre les dégustations d’agrément et les dégustations de classement sera supprimée.